
Je lis Amélie Nothomb depuis que j’ai 14 ans. Elle fait même partie de mon top 10, tant elle a marqué mon adolescence.
Mais j’avoue que depuis quelques rentrées littéraires, le « Nouveau Nothomb » ne fait plus partie de mes priorités. C’est injuste, parce que ce n’est pas – forcément – que ses livres soient moins bons. Mais cette mécanique bien huilée, ces phrases claquantes, ces vertiges philosophiques… je m’y suis habituée. Et les nouveaux titres ne me provoquent pas l’enchantement des débuts.
Exception faite de ce « Soif », paru en 2019 chez Albin Michel. C’est que le pari est de taille: raconter le procès et la crucifixion de Jésus…du point de vue de Jésus. Et prendre en charge la première personne du singulier au sein du récit. La littérature peut être si blasphématoire…. et donc divine.
Les passions du Christ
« Je suis un homme, rien d’humain ne m’est étranger ». Ces mots de Térence repris par le Christ illustre l’enjeu narratif de ce court roman. Faire descendre Jésus des cieux et le ramener parmi les hommes.
L’auteur belge rapporte, en mêlant la trame des Evangiles à son imagination féconde, les dernières pensées de Jésus Christ, de son procès expéditif à sa résurrection. Elle dresse ainsi le portrait d’un homme pris dans ses contradictions, entre sa foi inébranlable et un doute incessant. Loin d’une icône dorée, le Jésus d’Amélie Nothomb juge, s’énerve, aime, craint la mort. Surtout, elle donne au Christ un corps, une chair qui souffre, s’émerveille de l’amour de Marie-Madeleine, éprouve la soif, cet « élan mystique ».
A travers un exercice de style qu’elle maîtrise brillamment, Amélie Nothomb pose les bases d’une interrogation sur la condition humaine et la foi. J’ai apprécié les nombreuses pointes d’humour, ainsi que la tension que noue Amélie Nothomb entre un grand respect des textes sacrés et une remise en cause salutaire.