
Quel curieux objet que ce R.O.M.A.N.-là. Quelle curiosité et quelle soif de connaissance il faut pour réunir tant de traditions et de références et de poésie en moins de 200 pages. Mais n’allons pas trop vite, le Polycarpe arpenteur de Pierre Thiry est un récit qui aime les chemins de traverses.
Valche Eugnal et Elzbieta Gurnlang vivent une histoire d’amour passionnée qui les amènent à bord du Polycarpe arpenteur. Mais l’embarcation disparait peu après son départ du port. Est-ce un accident, un crime ? Très vite, on réalise que l’enquête policière est un prétexte, et c’est là que le livre hisse la grand-voile des possibilités et des interprétations.
Un R.O.M.A.N. à mystère
L’auteur semble d’ailleurs joueur, nous précisant d’emblée que son Polycarpe est un « roman à mystère ». Challenge accepted ! Car, dans le fond, que faire de ces personnages extravagants, de cette traversée quasi mythologique et de ce retour constant à un maître du clavecin du 18e siècle, François Couperin, et à ses « Barricades mystérieuses » ? Et pendant que l’enquêteur Jason Samothrakis s’inquiète de la disparition du voilier, le lecteur traque les indices dans la prose fluide, les patronymes intrigants, la musicalité de la phrase et les références tous azimuts. Souvent, on est tenté de revenir en arrière (l’objet est manipulable, pourquoi s’en priver ?) pour suivre une intuition, quitte à se perdre dans les nombreuses variations et les vertigineuses mises en abyme
Manifeste pour l’Art total ?
À l’image du Polycarpe arpenteur, ce « voilier révolutionnaire », cet « outil qui [répond] à une infinité d’exigences liées à la création artistique », ce texte peut se lire comme une déclaration d’amour à la littérature et aux différents arts, qui convoque les sens plus que le sens. D’ailleurs, l’auteur nous avertit dès l’épigraphe : il préfère à « ce que chacun peut voir dans sa maison » (Rousseau) les faits « fantaisistes et imaginaires », nous invitant à renouer avec un monde de sensations et d’émotions dont l’art est la porte d’entrée.
J’ai trouvé cette lecture déroutante, passionnante, et ai beaucoup apprécié la plume originale et non dénuée d’humour de Pierre Thiry. Il me tarde d’y replonger pour percer enfin la clé (de sol) du mystère !
Pierre Thiry, Le Polycarpe arpenteur, 192 pages, 2023.
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