On n’échappe pas à son destin, dit la maxime. Ni à ses parents, répond Bénito Roscher avec Héritage. Pour son premier roman publié en auto-édition, l’auteur normand s’est inspiré des codes de l’horreur pour embarquer le lecteur dans une aventure palpitante. Héritage reprend l’une des figures emblématiques du genre, une maison abandonnée. Une grande et veille demeure que Thomas récupère à la mort de son père, accompagné d’un message inquiétant : s’il accepte l’héritage, il ne doit jamais se rendre à la maison ni l’habiter. Mais que penser des avertissements d’un paternel qui a abandonné femme et fils près de 20 ans plus tôt ?

J’ai aimé ce texte parce qu’il évoque les relations familiales, le poids de l’héritage mais aussi celui des secrets. Je me suis complètement laissé guider par le mystère qui plane autour de Thomas, avant d’être happée par le suspense et la tension qui se resserrent dans la dernière partie du livre.

Absence du père, absences de la mère

Les relations entre les personnages, à la fois profondes, sincères et chaotiques, sont très bien exploitées et l’auteur arrive à nous faire ressentir les sentiments et surtout les non-dits qui traversent Thomas et sa famille. Le roman construit d’ailleurs autour d’un vide, celui d’un père absent et d’un chagrin indicible.

Les deux personnages principaux que sont Thomas et sa mère sont autant définis par leurs qualités que par leurs défauts. Thomas est irréprochable dans sa loyauté envers ses proches pour lesquelles il a un amour sincère, mais se révèle têtu et étroit d’esprit. Ève, quant à elle, séduit par un caractère à la fois candide et perspicace. Mais sa légèreté n’excuse pas ses défaillances de mère. Avec eux vit encore Charlotte, la compagne de Thomas, une jeune femme forte et courageuse.

Autour de ce « noyau » gravitent des personnages plus ou moins sympathiques. J’ai d’ailleurs apprécié ce jeu entre deux types de danger : d’un côté, une menace a priori surnaturelle ressentie par les personnages et, de l’autre, une menace bien réelle mais qui n’est perçue que par le lecteur.

Dans les rues de Pamiers

Tout comme les personnages, le décor et l’atmosphère sont bien ancrés dans le récit. L’auteur a voulu mettre en scène sa région et la ville de son enfance, Pamiers, convoquant ses souvenirs tout comme des recherches plus récentes pour s’imprégner des lieux. Surtout, Bénito Roscher prend le temps. Il inscrit ses personnages dans un contexte, géographique et relationnel, dévoile peu à peu leurs traits de caractère. Au moment où les péripéties s’accélèrent, le lecteur connaît Thomas, Ève et Charlotte et se sent entièrement concerné et touché par ce qui leur arrive.

En parallèle de cette aisance à poser une atmosphère, Bénito Roscher a su étoffer son histoire et approfondir sa narration en disséminant des indices au fil des pages, à la manière du Petit Poucet. Des petits éléments a priori anodins qui prennent tout leur sens une fois la résolution dévoilée. Cette dernière est très satisfaisante, même si j’ai eu le sentiment que les dernières révélations s’enchaînaient de manière précipitée dans les ultimes chapitres, rendant la compréhension moins fluide. À moins qu’elles ne soient le terreau d’une suite ?

Héritage est un premier roman maîtrisé, tant au niveau du fond que de la forme. La plume de Bénito Roscher est agréable et facile à suivre dans l’ensemble et saura satisfaire les amateurs du genre, mais aussi ceux qui aiment les récits familiaux où se mélangent drames, mystères et sentiments. Je finirais par deux avertissements au lecteur : vous qui ouvrez ce livre, vous risquez de ne pas le refermer avant la fin. Et de ne plus jamais pouvoir écouter La vie en rose de la même manière.

 

Bénito Roscher, Héritage, 281 pages2024.